Parfois il m'est utile de le dire !

                                                                                                          Oh! Colombe, transmets mon salut d...

Crânes algériens : quand la mémoire profanée exige justice

 

Il est des blessures que le temps n’apaise pas. Des blessures qui ne se referment pas parce qu’elles n’ont jamais été reconnues, ni même regardées en face. Celle des crânes algériens conservés au Musée de l’Homme à Paris appartient à cette catégorie : elle est à la fois une cicatrice béante de l’histoire coloniale et une preuve matérielle d’une barbarie maquillée sous les habits de la science.

Les résistants algériens tombés sous les balles du corps expéditionnaire français furent décapités, et leurs têtes exhibées pour terroriser les populations locales. « du terrorisme, au sens propre du terme », rappelle l’historien Gilles Manceron. «d’habitude on a des égards à l’égard des morts dans un conflit, et ceux-là n’ont pas été traités de la même façon ». Comme si on refusait à ces peuples le qualificatif même d’humanité.
Les têtes tranchées furent ensuite emmenées en France pour y être exposées comme des trophées de guerre. C’est ainsi que le crâne de Boubaghia, en compagnie de plusieurs milliers d’autres, s’est retrouvé dans les réserves du Musée de l’Homme à Paris. Des crânes, rappelle Gilles Manceron qui « ne devraient pas être là »,
170 ans plus tard, « le silence n’est plus possible » s’indigne l’historien Pascal Blanchard. Ces résistants ont droit à une sépulture digne, dans le pays pour lequel ils ont combattu. Mais voilà, ces crânes sont considérés par l’Etat français comme un bien inaliénable, faisant partie du patrimoine de la France
!

Une lettre glaçante comme preuve

Le document daté du 10 décembre 1845 est glaçant. Dans un ton administratif, presque courtois, un « savant » français annonce l’envoi d’un baril : il ne s’agit pas d’échantillons géologiques, mais d’un fœtus de six mois, de la tête d’une fillette de huit ans, de lambeaux de peau de femmes, et de crânes conservés dans l’alcool. Ces dépouilles, prélevées sur des Algériens morts dans la guerre coloniale, étaient destinées aux laboratoires de la métropole.

Cette lettre n’est pas un accident isolé : elle incarne un système. Un système où le corps colonisé devenait matériau d’étude, instrument de justification, preuve pseudo-scientifique d’une hiérarchie des races. En Algérie, l’anthropologie coloniale s’est nourrie des cadavres de ceux qu’elle avait préalablement exterminés.

Une science sans conscience, une barbarie rationalisée

 Dans les caves du musée de l’Homme, il y a des crânes, des murs de crânes  18 000 crânes entreposés les uns à côté des autres, conservés, classés, répertoriés. Sur les étiquettes, on lit :

« Bou Amar Ben Kedida, crâne n°5 943. Boubaghla, crâne n°5 940. Mokhtar Al Titraoui, crâne n°5 944. Cheikh Bouziane, crâne n°5 941. Si Moussa Al Darkaoui, crâne n°5 942. Aïssa Al Hamadi, lieutenant de Boubaghla, tête momifiée n°5 99
»

Les crânes de ces Algériens décapités pendant la conquête coloniale furent longtemps exhibés comme des trophées de guerre. Ils témoignent de la résistance tenace opposée, dès 1830, à la colonisation. Comme à Zaatcha, une oasis du sud-est algérien, théâtre, en 1849, d’un massacre colonial d’une rare barbarie…

Les colonisés n’étaient plus des hommes : ils devenaient des « sujets », des « pièces », des « téguments ». Leur nom disparaissait, leur histoire s’effaçait, leur mort se banalisait. Le langage savant anesthésiait l’horreur. Ainsi, l’Algérie n’a pas seulement connu l’occupation, les spoliations, les villages brûlés, les exécutions de masse : elle a connu ce qui est peut-être la forme ultime de profanation – le vol des corps, la négation du deuil, la conservation des restes humains comme simples spécimens de laboratoire.

Par cet acte, la France coloniale a arraché aux Algériens non seulement leur terre et leur liberté, mais jusqu’à leur droit d’être enterrés et pleurés par leurs proches. C’est une violence qui traverse la mort, une négation de l’humanité jusque dans l’ultime intégrité du corps.

Une restitution partielle, une vérité occultée

En 2020, la restitution de 24 crânes a été présentée comme un geste symbolique, presque magnanime. Mais elle reste un geste incomplet, terriblement insuffisant. Car dans les sous-sols français demeurent des centaines d’autres restes algériens et coloniaux, soigneusement conservés, parfois cachés.

Cette restitution parcellaire est une double trahison : elle apaise la conscience officielle à peu de frais, tout en masquant l’ampleur réelle du crime. Or, la mémoire ne se satisfait pas de demi-mesures. On ne répare pas une profanation par un geste diplomatique : on l’affronte par la vérité totale, par l’ouverture des archives, par la reconnaissance claire de la barbarie commise au nom de la science et de la République.

Ma douleur face à l’humiliation des martyrs

Je ne peux lire ces correspondances, je ne peux regarder ces crânes sans ressentir une douleur viscérale. Ce ne sont pas des ossements : ce sont les visages de martyrs algériens, résistants ou anonymes, qui ont combattu, qui ont souffert, qui ont été mutilés, et qu’on a privés même du repos éternel. Leur mémoire me hante. Leur humiliation me révolte.

Ces crânes sont des témoins muets. Ils disent l’histoire que l’on a voulu taire. Ils disent l’arrogance coloniale qui transformait des cadavres en « collections ». Ils disent la souffrance des familles qui n’ont pas pu enterrer leurs morts. Chaque crâne est une clameur qui exige justice pour ces martyrs algériens morts au champ d’honneur, sont entreposés dans de vulgaires cartons, rangés dans des armoires métalliques, au Musée de l’Homme de Paris.

Une exigence de vérité et de dignité

La France pleure toujours ses morts à Oradour-sur-Glane, où tout un petit village de Normandie, a été massacré par des éléments d’une Division SS. 70 ans qu’ils répètent la même rengaine (ils ont jugé et condamnés les SS responsables).

Et en Algerie ?  Combien d’Oradour sur glanes ont été commis?

Des milliers, sans être jugés ni avoir de comptes à rendre La barbarie dans toute sa splendeur.
La colonisation française et la guerre d’Algérie est la plus BARBARE qui ait jamais existé au risque de me répéter à côté Hitler fait office de saint. . Et ils osent parler de des aspects positifs de la colonisation !

La France se proclame patrie des droits de l’homme, mais elle a conservé dans ses musées des crânes d’Algériens, comme on conserve des fossiles ou des antiquités. Ce paradoxe est insoutenable. La République ne peut pas se contenter de gestes symboliques : elle doit affronter cette part sombre de son histoire.

La dignité des morts est une frontière universelle. La franchir, c’est se déshonorer soi-même. Restituer quelques ossements sans reconnaître le système de déshumanisation qui les a produits, c’est mutiler une seconde fois la mémoire. L’Algérie n’exige pas seulement des crânes : elle exige la reconnaissance d’un crime structurel, d’une anthropologie coloniale qui fut un instrument d’humiliation et de domination.

Ne pas laisser l’histoire se dissoudre dans l’oubli

Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement d’un devoir de mémoire. Il s’agit d’une urgence morale. La mémoire ne doit pas être diluée dans des commissions technocratiques ou des cérémonies figées. Elle doit rester vivante, brûlante, consciente. Car tant que la vérité n’est pas dite, tant que la justice n’est pas faite, les martyrs algériens demeurent séquestrés une seconde fois.

La lettre de 1845 nous oblige. Elle nous dit que le colonialisme n’était pas seulement une conquête militaire et économique, mais un saccage moral et anthropologique. Elle nous rappelle que la science, lorsqu’elle est arrimée à l’idéologie raciste, devient complice d’une barbarie rationalisée. Elle nous appelle à restituer non seulement des crânes, mais une dignité.


L’histoire ne se tait pas.

Ces crânes parlent. Ils témoignent. Ils accusent.
Et ils exigent de nous, aujourd’hui, que justice leur soit enfin rendue et surtout afin que leur pays les honore, avec cette fois un écho nettement plus large pour recevoir une digne sépulture 

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

Aucun commentaire: