Parfois il m'est utile de le dire !

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Le soutien massif juif à une guerre moralement génocidaire?

 

Depuis le 7 octobre 2023, le conflit israélo-palestinien a atteint un paroxysme de violence. L’État israélien, soutenu militairement par les États-Unis, l’Allemagne et plusieurs puissances occidentales, a lancé une offensive de grande ampleur sur la bande de Gaza. Des dizaines de milliers de civils, femmes, enfants, soignants, journalistes, humanitaires ont été tués. Des infrastructures vitales ont été détruites. Le siège imposé à la population, les bombardements intensifs, les privations d’eau, de nourriture et de médicaments ont transformé Gaza en zone de mort.

Or, ce qui choque au-delà de l’horreur elle-même, c’est le soutien massif à cette guerre de la majorité des juifs israéliens – et d’une part non négligeable de la diaspora. Des sondages montrent qu’en Israël, plus de 80 % des citoyens juifs ont exprimé leur appui à l’opération militaire, malgré les milliers de morts civils. Dans la diaspora, les grandes institutions communautaires, les lobbys pro-israéliens traditionnels et nombre de synagogues ont repris le discours de légitimation d’un "droit à se défendre" poussé à l’extrême, effaçant la réalité de la guerre asymétrique, du blocus, et de l’occupation.

Ce chiffre 80 % ne peut être balayé comme un simple fait de sondage. Il nous confronte à une question essentielle :

Comment expliquer qu’une majorité de personnes qui ont été historiquement victimes de persécutions, qui connaissent la mémoire de la Shoah, puissent soutenir une guerre aussi brutale contre une population enfermée, appauvrie, assiégée ?

Cela oblige à une remise en question courageuse : la position victimaire ne protège pas de la dérive morale, surtout lorsqu’elle devient le cœur d’un récit national ou religieux. Lorsqu’un État construit sa légitimité sur le traumatisme, mais qu’il se comporte lui-même comme puissance coloniale, il devient urgent de questionner les fondements de cette légitimité.

Qu’une majorité soutienne une guerre ne la rend pas plus juste. L’histoire est remplie de cas où des peuples entiers ont été entraînés à soutenir des régimes violents. La démocratie n’est pas une garantie contre l’aveuglement moral. En Israël, le consensus autour de la guerre à Gaza s’explique en partie par :

  • la peur collective réelle provoquée par les attaques du 7 octobre ;
  • un climat de radicalisation sécuritaire entretenu depuis des décennies ;
  • un système médiatique militarisé, qui marginalise les voix critiques ;
  • et un nationalisme religieux croissant qui sacralise l’expansion territoriale au détriment des droits humains.

Mais comprendre ces causes ne signifie pas les excuser. La responsabilité morale ne s’efface pas dans les statistiques. Un peuple qui soutient une guerre injuste porte une part de responsabilité — pas en tant qu’ethnie ou religion, mais en tant que société politique.

Il serait cependant faux et dangereux de tirer de ce soutien massif une conclusion globalisante : "les juifs", dans leur ensemble, soutiendraient un génocide. Cette phrase, même prononcée avec colère, est erronée à plusieurs titres :

  1. Tous les juifs ne sont pas israéliens, ni sionistes, ni partisans de l’occupation. Il existe une pluralité de pensées, de traditions, de courants critiques dans le judaïsme.
  2. De nombreux juifs israéliens ou de la diaspora s’opposent ouvertement à cette guerre. Certains refusent de servir dans l’armée, manifestent, signent des pétitions, prennent la parole à leurs risques et périls.
  3. Le soutien à Israël n’est pas une "caractéristique religieuse", mais une construction politique, alimentée par l’histoire, les peurs identitaires, les politiques éducatives, les traumatismes collectifs.

C’est précisément en reconnaissant ces dissidences, en les soutenant, qu’on peut délégitimer la ligne dure du gouvernement israélien, sans tomber dans la haine ou le racisme.

Nous, observateurs, militants et citoyens, avons le droit et même le devoir de dire avec fermeté : Ce qui se passe à Gaza est une catastrophe humanitaire d’une ampleur insoutenable. C’est une guerre qui piétine le droit international, viole les principes humanitaires et désacralise la vie humaine.

Mais ce devoir de vérité doit s’accompagner d’un langage de rigueur, et non de vengeance. Il ne s’agit pas d'accuser des religions, des peuples ou des identités. Il s’agit de démasquer les pouvoirs, de condamner les discours qui justifient l’injustifiable, et de soutenir les voix dissidentes, où qu’elles soient.

On ne combat pas un génocide ou un nettoyage ethnique par des amalgames ou des raccourcis idéologiques. On le combat par la vérité, la solidarité, la lucidité. La majorité juive israélienne qui soutient cette guerre porte une responsabilité morale. Mais cette critique ne doit pas devenir un prétexte à la haine collective. Au contraire : c’est en défendant les principes de justice, même quand ils dérangent, que l’on honore la mémoire des peuples opprimés — passés comme présents.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 


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