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Occupation, famine, destruction : le cri de Gaza

 

Sous les bombes et le blocus, l’anéantissement et la punition collective un peuple réclame justice, dignité et reconnaissance

Dans un entretien récent accordé au podcast du quotidien israélien Haaretz,   ancien ministre israélien, a dressé un constat sévère de la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza. Selon lui, ce conflit a commencé comme une guerre de légitime défense après les attaques du Hamas, mais il a rapidement dérivé vers ce qu’il qualifie de « vengeance cruelle et impitoyable ».

L’intervention de cet ancien responsable, figure respectée et longtemps artisan de la solution à deux États, mérite attention. Mais elle présente également de profondes limites. Car si l’ancien ministre met le doigt sur la spirale de violence dans laquelle Israël s’est engagé, il passe sous silence la dimension la plus dramatique : la guerre ne se limite pas à des représailles militaires. Elle prend aujourd’hui les contours d’un génocide.

La lecture réaliste et désabusée ; Cet ancien ministre n’est pas un idéologue. Son analyse s’inscrit dans une perspective réaliste et stratégique. Il rappelle que la solution à deux États, qu’il a défendu une grande partie de sa carrière, est désormais une « cause perdue ». Les appels récents d’Emmanuel Macron ou d’autres dirigeants occidentaux en faveur de cette formule lui semblent relever du « désespoir », faute d’alternative diplomatique crédible.

Il ajoute qu’une « victoire totale » sur le Hamas est illusoire. Même si Israël parvient à infliger de lourdes pertes militaires, le Hamas sortira renforcer symboliquement et politiquement : il aura replacé la question palestinienne au centre des débats internationaux, perturbé la normalisation israélo-saoudienne et montré à la nation palestinienne qu’une résistance était possible.

En somme, selon cet ancien ministre, Israël ne peut pas gagner cette guerre comme il l’entend, car le Hamas a déjà imposé son récit dans la mémoire collective palestinienne.

Les angles morts de son discours : Aussi pertinente soit-elle, l’analyse de l’ancien ministre présente des lacunes graves. L’ancien ministre se concentre sur les aspects militaires et diplomatiques, mais il néglige les dimensions humanitaires et juridiques.

La famine organisée qui touche Gaza, l’entrave systématique à l’acheminement de l’aide humanitaire, la destruction des infrastructures civiles essentielles : tous ces éléments définissent un tableau qui va bien au-delà d’une « vengeance ».

Aryeh Neier, ancien directeur de Human Rights Watch, écrivait en 2024 dans la New York Review of Books que si l’offensive militaire israélienne ne constituait pas, en elle-même, un génocide, le blocus de l’aide humanitaire, lui, entrait pleinement dans cette définition. Cet ancien ministre ne se confronte pas à cette réalité : il ne parle que des combats, comme si la guerre ne se jouait que sur le terrain militaire, alors qu’elle se joue aussi – et surtout – sur le terrain de la survie quotidienne d’une population assiégée.

Le cœur du débat : le droit de se défendre et le droit de résister ; La réflexion de cet ancien ministre invite à poser une question essentielle en droit international : peut-on nier à un pays, à un groupe ou à un individu, le droit de se défendre ?

La réponse est évidemment non ?

Le droit à l’autodéfense est reconnu par la Charte des Nations Unies et constitue un principe fondamental de la souveraineté des États.

Mais il existe une seconde vérité, tout aussi incontournable : les peuples sous occupation ont eux aussi un droit à la résistance. Ce principe, reconnu par le droit international humanitaire et rappelé dans diverses résolutions onusiennes, fonde la légitimité des luttes anticoloniales et des mouvements de libération nationale au XXᵉ siècle.

Limiter la question au seul droit d’Israël à se défendre, sans reconnaître celui des Palestiniens à résister à une occupation militaire prolongée et à des décennies de dépossession, revient à instaurer une asymétrie insoutenable. C’est cette asymétrie qui nourrit l’impasse actuelle.

Des solutions politiques en panne ; Face à l’échec de la solution à deux États, certains proposent des scénarios radicaux : rattacher Gaza à l’Égypte, la Cisjordanie à la Jordanie, et ainsi préserver Israël comme État à majorité juive. Mais ces propositions ne sont que des palliatifs. Elles déplacent le problème sans le résoudre. Elles ignorent surtout la réalité fondamentale : aucun peuple ne disparaît par décret géopolitique.

De plus, elles révèlent les contradictions internes à Israël lui-même. L’obsession démographique pour préserver une majorité juive cache mal les fractures internes – notamment la discrimination des Juifs séfarades par les élites ashkénazes – qui resurgiraient même si la « distraction palestinienne » venait à disparaître. La paix ne peut pas être construite sur l’exclusion, ni sur la négation des identités.

Plus qu’une vengeance : un génocide en cours : Qualifier la guerre en cours de « vengeance cruelle et impitoyable » est insuffisant. Ce qui se déroule à Gaza dépasse le registre de la riposte militaire. La destruction massive d’habitations, l’effondrement des services de santé, la privation organisée de nourriture et d’eau potable, l’obstruction à l’aide humanitaire : tout cela correspond aux critères juridiques du génocide tels que définis par la Convention de 1948.

Reconnaître cette réalité ne revient pas à nier le droit d’Israël à exister ou à se défendre. Cela revient à constater que ce droit est exercé aujourd’hui de manière disproportionnée, au prix de la survie même d’un peuple. Il s’agit d’une ligne rouge que le droit international impose de ne pas franchir.

Conclusion : sortir de l’impasse : L’ancien ministre a raison de dire que cette guerre est une impasse pour Israël. Mais il se trompe en pensant que le problème se limite à une « vengeance ». La réalité est plus sombre : c’est un génocide en cours, dont la communauté internationale ne peut se contenter d’être le témoin impuissant.

La lecture de l’ancien ministre éclaire une partie du drame : la guerre de Gaza, au lieu de renforcer Israël, a renforcé le Hamas et affaibli les perspectives de paix. Mais son analyse reste incomplète. En évitant d’aborder la famine, le blocus et la dimension génocidaire du conflit, il minimise la gravité de la catastrophe humanitaire en cours.

La communauté internationale ne peut se contenter de recycler de vieilles solutions comme celle des deux États, sans feuille de route crédible. Elle doit reconnaître la nature du désastre, affronter la question de la responsabilité et poser les bases d’une paix qui prenne en compte, enfin, les droits et la dignité du peuple palestinien.

Le débat central reste celui-ci : le droit de se défendre doit-il primer sur le droit des peuples à résister à l’occupation ? Ou bien le droit international doit-il reconnaître que ces deux droits coexistent, et que seule leur articulation peut ouvrir la voie à une paix juste ?

Répondre à cette question n’est pas seulement une nécessité pour les Palestiniens ou pour Israël : c’est une obligation pour l’ensemble de la communauté internationale, si elle veut rester fidèle aux principes qu’elle proclame depuis 1945.

Kader Tahri
Chroniqueur engagé, observateur inquiet
« Il faut dire les choses comme elles sont, mais refuser qu’elles soient comme ça. »

https://kadertahri.blogspot.com/

 


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