Ne pas avoir peur
de la vieillesse, c’est très essentiel !
Les rides ne
m’effraient pas, ni les cheveux blancs, ni les douleurs du corps. C’est
naturel. Le temps passe pour tout le monde, et je l’ai vu défiler sous mes
yeux, comme on observe un fleuve s’écouler. D’abord lent, paisible, puis plus
rapide, plus impétueux.
Non, ce n’est pas
cela qui me fait peur.
Ce qui m’effraie vraiment, ce qui me tourmente, c’est de ne plus pouvoir compter sur moi-même. Que mes mains, qui ont tant travaillé, cessent de répondre. Que mes jambes, qui m’ont portée à travers tant de chemins, restent immobiles. Que mon esprit, toujours curieux, se perde dans son propre embarras.
Je ne veux pas être
une cargaison. Je ne veux pas voir s’échapper comme du sable entre mes doigts mon
indépendance, un bien très précieux ; toute ma vie, je tenais à être fort. J’ai
résolu mes problèmes, veillé sur les miens, bâti mon propre chemin, et maintenant
que le corps s’affaiblit, la seule chose que je demande, c’est de conserver ce
que je suis, ce que j’ai toujours été : un homme capable, déterminé, maître de
lui-même.
Ce n’est pas de
l’orgueil, non !
C’est le besoin
profond de savoir que je peux encore décider, que ma volonté reste intacte. Que
si j’ai envie de me lever pour préparer un café, je le ferai. Que si je veux
sortir, mes pas me porteront aussi loin que possible. Que si un livre me fait
envie, mes yeux sauront encore en embrasser les mots.
Vieillir, en soi,
n’a rien de terrible. Il y a dans l’âge une certaine beauté, une paix. Mais
perdre le contrôle, dépendre des autres, voilà ce qui me brise. Parce que je
sais que ce n’est pas facile pour eux non plus. Personne ne veut voir un père, un
grand-père cloué au lit, fragile, démuni.
Et pourtant, je
sais aussi que si ce jour devait venir, si un jour mon corps ou mon esprit
faiblissaient, il me faudrait apprendre à accepter. Accepter que, tout comme j’ai
été enfant et que l’on a pris soin de moi, la vie pourrait un jour me ramener à
cette vulnérabilité. Et peut-être que ce ne serait pas si terrible, tant qu’il
y a de l’amour, de la patience, de la dignité.
Mais tant que je le
peux, tant que le temps me l’accorde, je resterai moi-même. Indépendant, libre.
Car ce n’est pas la jeunesse disparue qui me fait vivre, ni le nombre d’années
qu’il me reste. C’est la certitude que, malgré tout, je demeure le seul maître
de ma vie.
Lorsqu’un homme
commence à ressentir qu’il est de trop, qu’il dérange plus qu’il n’apporte, il
finit par s’effacer. Non par lâcheté, mais par dignité. Car nul ne souhaite
rester là où il n’a pas sa place.
Les hommes ne
recherchent ni promesses emphatiques ni démonstrations spectaculaires. Ils
n’attendent pas l’impossible. Ce qu’ils désirent, c’est quelque chose de bien
plus simple et pourtant
Fondamental : être
appréciés, valorisés, soutenus. Sentir que leur présence a un sens, que leurs
efforts ne sont pas vains.
Mais lorsqu’un
homme comprend qu’il n’est qu’une option, un poids à peine toléré, il n’insiste
pas. Il ne réclame ni amour ni attention. Il se contente d’écouter le silence,
de lire entre les lignes.
Et, avec cette même
discrétion qui l’a toujours animé, il s’en va. »
Je me consacre ce
qu'il me reste de vie, je ne sais pas si ce sera beaucoup ou peu, mais je veux
me faire des cadeaux coûteux, comme la fidélité à moi-même, sans permettre à
quiconque de corrompre la tranquillité que me laissent mes décisions.
Je veux me donner
le plaisir de passer devant une vitrine, de voir que les années avec lesquelles
j'ai lutté m'ont bien appris, car chacune d'elles a laissé en moi des cernes
sombres causées par des insomnies que personne n'a jamais connues et que j'ai
traversées seul, cherchant le pourquoi de tant de choses qui, finalement,
devaient arriver, peu importe pourquoi... Et j'ai appris de tout cela.
Je me dédie les
chansons qui m'ont fait penser à quelqu'un, mais maintenant je ne pleure plus
les absences, et il n'y a plus cette longue file de regrets à ne pas savoir si
j'allais gagner ou perdre.
Me regarder, me
dire que tout ira bien et que rien n'est éternel, car nous passons tous, et
tout est acceptable, sauf se laisser pour plus tard.
C'est pourquoi je
veux me consacrer au peu qu'il me reste de vie.
Marcher dans les
rues sans attendre, retrouver quelqu'un de mon passé et me demander pourquoi il
n'est pas dans mon présent.
Prendre un café à
l'endroit où j'ai dû partir pour ne pas croiser des gens qui disaient être
éternels pour moi et qui ont rendu éternel l'oubli qu'ils ont laissé, sans
savoir à quel point j'étais brisé quand les portes de mon cœur étaient ouvertes
et leurs bras fermés à ma tristesse ou à mon succès, si un jour cela arrivait.
Je veux me donner
la clé du bonheur que j'ai gagnée lorsque j'ai perdu mes peurs et que j'ai dû apprendre
à être courageux, c'est là que je me suis vue après tout ce temps.
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